mardi 25 mars 2008

L’art de plaider

L’une des joies du contentieux réside dans le fait de plaider l’affaire sur laquelle on a longtemps échangé avec la partie adverse via des conclusions, conclusions en réplique, en duplique, ou, un peu plus rarement, d’incident.

La plaidoirie intervient comme le moment de toutes les vérités. Celui que l’on prépare suivant un certain rituel et que l’on refait dans sa tête la veille au soir. Le respect du sacro-saint principe contradictoire fait que contrairement à ce que s’imagine le grand public, toute l’argumentation sur laquelle se baseront les avocats qui plaideront ait connu à l’avance aussi bien par le juge que par les parties.

Cela donne d’autant plus d’importance à la façon dont les avocats plaideront leur affaire. J’ai assisté, il y a un peu moins d’une semaine, à une plaidoirie de mon maître de stage concernant une affaire que nous avions préparée de concert.

Nous ne pouvions pas perdre puisque les éléments de preuve, de faits comme de fond nous étaient largement favorables. Le seul point qui restait vraiment à discuter tenait au montant de la réparation du préjudice subi. Face à cette situation, je dois bien avouer que l’avocat de la partie adverse a été bluffant. Sur une affaire où nous l’attendions à la limite de l’agressivité, il s’est révélé on ne peut plus courtois. Là où nous l’imaginions ne rien céder, il a concédé que son client avait eu tort sur bien des points.

Cette véritable stratégie associée au fait qu’il affichait un sourire communicatif de façade s’est, à mon sens, avérée payante. L’avocat a commencé par concéder tout ce qui pouvait raisonnablement l’être mais aussi ce qui pouvait pourtant faire l’objet d’une discussion, afin de mieux faire apparaître, par la suite, le fait que le préjudice allégué ne pouvait qu'être minime.

La décontraction et la façon dont il a réussi à capter l’attention des juges tranchaient avec l’air volontairement grave de mon maître de stage. Au final, sans avoir gagné cette affaire (puisqu’il est acquis que son client ne pourra qu’être condamné), l’avocat de la partie adverse a sans doute, par son attitude et son art de la plaidoirie, contribué à ce que, tout en étant de condamné, son client ne le soit qu’à payer une somme dérisoire.

Cette stratégie, qui peut apparaître comme le B-A BA reste, à mes yeux, une belle leçon de plaidoirie. Même si les nombreuses séries télévisées à succès qui tournent autour du métier d’avocat laissent croire au grand public qu’un bon avocat est celui qui gagne tous ses procès, la réalité du métier veut que toutes les affaires ne se puissent pas être gagnées, et que faire en sorte son client ne soit condamné qu’au minimum peut bien souvent apparaître comme une sorte de victoire.

En cela, la plaidoirie de l’avocat de la partie adverse, à laquelle j’ai pu assister, était grandiose.

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