mercredi 28 novembre 2007

Le début de la fin

Nous sommes actuellement à un mois de la fin de mon stage correspondant à mon projet pédagogique aka PPI.

C'est déjà l'heure à laquelle certains d'entre nous entendent leurs collègues leur dire que sans nous « ce sera vraiment pas pareil » ainsi que celle où je me dis qu'il va quand même falloir terminer ce rapport du stage de façon à ne pas avoir à le réaliser durant le stage final (moment où aux dires de certains je n'aurai pas le temps pour grand chose d'autre que contribuer à faire avancer les dossiers du cabinet).

La seule certitude que j’ai, c'est que le rythme de travail et l'ambiance assez détendus propres aux sociétés vont me manquer. En cabinet d'avocats, même un miracle ne changera pas le fait que je vais très vite atteindre 35 heures de travail effectuées (dès le jeudi voire le mercredi soir) et que souci d’obtenir une collaboration en fin de stage oblige, je ne devrais pas tarder à voir mes camarades stagiaires me faire comprendre qu’une compétition saine (ou pas) s’est installée entre nous. Le fait d’effectuer un stage pendant six mois au sein d’une structure de laquelle on attend rien, si ce n’est que le stage se déroule bien, aura eu quelque chose de très reposant.

La logique d’entreprise est d’ailleurs différente de celle des cabinets d’avocats. Vous avez très rapidement une liberté concernant les dossiers que vous traitez, cela dans un souci d’efficacité et de rapidité de traitement. Cela s’explique aussi par le fait que dans une entreprise le client - lié au dossier - est attaché à l’entreprise et non à la personne qui traite le dossier. Elle s’adresse à cette société pour son expertise, sa réputation et n’est pas vraiment attachée à l’individu qui lui soumet des propositions, individu qu’elle ne rencontrera d’ailleurs qu’à de très rares occasions.

Au sein d’un cabinet d’avocat, le client s’adresse également à ce cabinet pour sa réputation et son expertise mais et est amené à rencontrer l’avocat qui traite son dossier à de nombreuses reprises. De ces relations peuvent naître des liens teintés « d’admiration » pour le travail réalisé par l’avocat d’un bout à l’autre de l’affaire.

C’est pour cette raison, qu’une méfiance nait chez de nombreux avocats (parisiens) qui rechignent à confier des dossiers entiers à leurs collaborateurs de peur que ceux-ci ne décident, à court ou moyen terme, de quitter le cabinet en subtilisant les clients en question. Autant d’éléments qui me confortent dans l’idée que l’entreprise, même si elle peut être dans certains cas impitoyable, est encore à mille lieux de l’adversité et la pression que peuvent subir certains avocats dans l’univers des cabinets.

En attendant l’heure fatidique, j’ai donc la ferme intention de savourer ces dernières semaines de calme… avant la tempête.

vendredi 23 novembre 2007

Vous avez un message

J’ai créé ce blog sans trop me poser de question un soir du mois de janvier dernier. Ce n’est qu’il y a quelques semaines que je me suis aperçu que je n’avais pas pensé à créer d’adresse email par laquelle un lecteur pourrait (sait-on jamais) me poser des questions autrement que par l’intermédiaire des commentaires accessibles et surtout visibles par tous.

Vous l’aurez compris par vous-même Spcial n’est pas mon vrai prénom. Alors, pourquoi Spcial ? Tout simplement parce que j’ai l’impression (comme beaucoup de personnes) de l’être « Spécial », mais surtout pour rester un anonyme qui disserte anonymement et surtout pour garder ce luxe qu’est la possibilité de dire à peu près ce que je veux sans risquer quoi que ce soit venant de qui que ce soit.

Il y a quelques minutes, je me suis aperçu en consultant mon blog qu’un message m’attendait sur ma boîte mail. Mon premier message depuis que j’ai créé ce blog. Puisque comme tout blogueur qui se respecte (même anonyme), j’ai aussi ma part d’égocentrisme, j’ai donc décidé d’écrire un post pour parler de ce qui n’est pourtant qu’un épiphénomène.

Plus sérieusement, j’ai surtout décidé d’en parler parce que ma réponse peut servir à d’autres. Le message m’a été adressé par une élève-avocate de l’EFB Paris qui comme moi aura droit au respect de son anonymat. Sans rentrer dans les détails d’une conversation qui, par définition, doit rester privée, elle m’indiquait dans son message qu’elle avait lu plusieurs de mes posts consacrés au foisonnement en juin et juillet dernier et qu’elle en avait déduit que cet exercice, qu’elle passe bientôt, était une terrible épreuve.

Non dénuée d’une certaine " audace ", elle souhaitait que je lui en dise plus sur cette épreuve et que je lui donne quelques conseils d’ordre pratique. Ce post me permet de lui répondre indirectement et dans le même temps de faire profiter à d’autres qui, sait-on jamais, pourraient eux aussi lire ce blog, de ma réponse.

Puisque dans trois de mes posts des mois de juin et juillet dernier, j’ai parlé de façon assez globale de cette épreuve qu’est le foisonnement, je vais tenter cette fois de rentrer dans les détails.

La série à laquelle vous appartenez sera divisée en plusieurs groupes d’une dizaine de personnes. Chaque groupe sera composé de plusieurs binômes. Sur chaque matière, il vous faudra déterminer avec votre acolyte si vous êtes en demande ou en défense. En clair, ce sera à vous de choisir si vous représentez le demandeur ou le défendeur.

Chaque groupe aura droit à un intervenant différent dans chaque matière. Ce dernier aura la charge de suivre ces élèves pendant toute la durée du foisonnement. Il notera votre assignation ou vos conclusions en défense (sur 10), vous fera des remarques puis notera votre plaidoirie ainsi que votre dossier de plaidoirie (sur 10).

Lors des premiers jours du foisonnement, les intervenants vous expliqueront comment se dérouleront les différentes étapes du foisonnement et distribueront aux élèves les dossiers spécifiques à chacune des matières. Les sujets sont communs à chacun des groupes de votre série, seul l’ordre de passage change lors des plaidoiries (certains passeront en début, d’autres en fin de semaine).

La semaine 1 est celle de la rédaction, la semaine 2 celle des corrections et la semaine 3 celle des plaidoiries. Attendez vous à des dossiers assez épais composés de pièces qu’il faudra éplucher à la loupe.

Les épreuves sont au nombre de 5. Elles portent sur le droit administratif, le droit civil, le droit pénal, le droit commercial et le droit social.

Le droit social fait l’objet d’un traitement particulier. Contrairement aux autres matières pour lesquelles, il vous sera d’abord demandé :

- De rédiger une assignation, une requête ou des conclusions en défense selon votre rôle dans le binôme (étape 1)

- Avant que celles-ci soient appréciées par un intervenant qui vous fera en tête à tête des commentaires spontanés sur votre travail (étape 2)

- Et que quelques jours plus tard vous plaidiez devant ce même intervenant (avocat) sur la base d’un dossier de plaidoirie construit à la lumière de ces remarques que vous devrez lui remettre à la fin de votre prestation (étape 3)…

…on vous demandera, en droit social, de plaider directement sur la base de vos conclusions en demande ou en défense écrites à partir d’un petit cas pratique qui vous sera présenté quelques jours plus tôt. (2 ou 3 tout au plus).

À bien y réfléchir, le droit pénal présente lui aussi des spécificités de traitement. Dans cette matière, vous ne découvrirez votre sujet que le matin même. Vous n’aurez que quelques heures (5 heures tout au plus) pour préparer une plaidoirie. Vous plaiderez devant un avocat spécialiste en la matière.

Les dossiers que l’on vous remettra seront, pour la plupart, des procès-verbaux de comparution immédiate. Vous devrez les lire et essayer de déceler les éventuels vices de procédure et autres nullités en tout genre, tout en construisant l’argumentaire votre future plaidoirie. C’est un exercice qui, à mon sens, demande de l’audace.

Beaucoup de mes amis ont plaidé leur dossier avec éloquence et sérieux, mais ne se sont, aux dires de l’intervenant, pas assez inspirés des pièces du dossier pour y trouver la matière nécessaire à une bonne défense de leur client. Résultats des courses, ils ont à peine eu la moyenne, voire ne l'ont pas eue du tout.

N’hésitez pas à chercher des arguments qui, de prime abord, pourraient vous apparaître quelque peu tirés par les cheveux. Ce ne sont pas les dossiers du siècle. L’erreur de procédure sera assez rare et l’accusé sera malheureusement assez souvent très difficilement défendable. L’intervenant attendra justement de vous que vous puissiez, malgré tout, trouver des arguments percutants pour le défendre.

On vous expliquera que vous ne pouvez pas inventer de faits même, si dans les faits, vous pourrez (votre dossier vous apportant rarement la substance nécessaire pour trouver des « circonstances atténuantes » à votre client) en inventer quelques-uns liés à la personnalité de votre client. Le tout étant de ne pas en abuser non plus.

Étant donné que mon post est déjà interminable et que je ne peux pas non plus y passer la nuit, je vais terminer par deux conseils pratiques. Même si vos écritures sont notées, mon expérience me pousse à croire que votre note sur 20 se jouera en grande partie au moment de la plaidoirie.

Essayez donc de vous détacher le plus possible de vos notes et de vos dossiers de plaidoirie. Prenez du temps la veille pour les relire et vous en imprégnez le plus possible. Certains intervenants sont très attentifs à cela et vous pénaliseront même si votre discours est clair pour avoir trop regardé votre dossier de plaidoirie. Il faut être capable de plaider « dossier fermé ». D’ailleurs, certains intervenants n’ont pas hésité à demander à mes camarades, au milieu de leur plaidoirie, de fermer immédiatement leur dossier.

Choisissez, si ce n’est pas déjà fait, un binôme avec lequel vous vous entendez bien et qui a décidé de consacrer du temps au foisonnement. Il n’y a rien de pire qu’un binôme fantôme, qui vous envoie les pièces la veille à 2 heures du matin prétextant avoir autre chose à faire que le foisonnement.

Vous aurez la sensation désagréable de bosser pour deux et l’alchimie qui sera (et pour cause) inexistante de vos plaidoiries respectives sera perçue comme telle par un intervenant qui ne devrait pas longtemps hésiter à baisser votre note même si votre prestation personnelle s’avérait quasiment irréprochable.

En espérant ne pas vous avoir froissée en prenant votre email comme prétexte à un post sur mon blog mais j’ai cru naïvement que cela pouvait être utile à d’autres.

Cordialement

lundi 19 novembre 2007

Paris pendant la grève

La grève des transports qui touche la SNCF et la RATP concernant le maintien des régimes spéciaux a commencé depuis près d’une semaine.

Certains de mes amis, qui n’habitent pas Paris intra muros, où qui empruntent des lignes qui ne peuvent compter que sur un train toutes les 55 minutes, se retrouvent assignés à résidence condamnés à se tourner les pouces (Trop dur !).
Certains peuvent, tout de même, travailler depuis chez eux grâce aux moyens techniques mis à disposition par la formidable invention qu’est l’Internet haut débit.

D’autres découvrent les joies de ce qui a fait fureur tout l’été, j’ai nommé le Vélib. D’ailleurs, les locations explosent. On parle de locations 2 à 3 fois plus importante par temps de grève qu’un jour normal. Certains vont même (et je l’ai vu de mes propres yeux) jusqu’à mettre de cadenas sur les Vélib pendant la nuit afin d'être certains d’en profiter dès le lendemain matin.

D’autres redécouvrent les vertus de la marche à pied ou du roller. Si ce n’était pas les embouteillages responsables d’immenses rejets de gaz carbonique dans l’atmosphère, on pourrait presque croire que la grève a des vertus écologiques.

Paris pendant la grève a ceci de particulier qu’on s’en prend à aimer n’être qu’un stagiaire, dont la présence à l’heure au travail, bien qu’importante, n’est pas fondamentale à la survie de l’entreprise. Ce sera sans doute une autre histoire quand ce même type de grève imposera de se lever beaucoup plus tôt en raison de la distance entre le domicile et le cabinet (en raison d’un rendez-vous immanquable) ou le tribunal pour une audience (qui n’aura sans doute que faire du fait que la grève ait considérablement ralenti ma progression).

En attendant, vive le vélib !

mercredi 7 novembre 2007

La bonne paye... a un prix

Le 18 février dernier, j’indiquais dans un post intitulé « La bonne paye » http://efb2007.blogspot.com/2007/02/la-bonne-paye.html que la FNUJA avait obtenu, dans le cadre d'une négociation entamée avec les partenaires sociaux, la conclusion d'un accord professionnel qui concernaient notamment la gratification des élèves-avocats. Ce projet avait pour but d’éviter que de futurs avocats puissent être rémunérés à hauteur de 360 euros durant leurs stages en cabinets d’avocats.

Il fallait, pour que cet accord s’applique, qu’il soit étendu. C'est désormais chose faite par arrêté en date du 10 octobre 2007 portant extension de l’accord professionnel. Il a été publié au Journal Officiel le 17 octobre dernier.

L'accord est entré en vigueur le 1er novembre 2007. Il est donc désormais établi que les conventions de stage débutant à compter de cette date doivent désormais respecter les dispositions de l'accord et que pour les élèves avocats, les gratifications suivantes, et ce quelque soit la durée du stage, qui dépendent de la taille du cabinet s’appliquent :

- Employeurs employant de 0 à 2 salariés non avocats lors de la signature de la convention de stage (hors personnel d'entretien et de service) : 60% du SMIC au 1er janvier de l'année en cours (768,04 €uros par mois).

- Employeurs employant de 3 à 5 salariés non avocats lors de la signature de la convention de stage (hors personnel d'entretien et de service) : 70% du SMIC au 1er janvier de l'année en cours (896,05 €uros par mois).

- Employeurs employant 6 salariés et plus non avocats lors de la signature de la convention de stage (hors personnel d'entretien et de service) : 85% du SMIC au 1er janvier de l'année en cours (1.088,06 €uros par mois).

Restait une question en suspens concernant cet accord. Celle de la rétroactivité de ces dispositions aux conventions déjà signées avant l’arrêté d’extension. En clair, qu’advient-il des conventions de stage signées avant le 1er novembre, pour des stages débutant notamment en janvier 2008, pour lesquelles la rémunération prévue était inférieure à celle imposée par l’arrêté d’extension ?

J’ai reçu aujourd’hui, comme tous mes camarades élèves-avocats de l’EFB Paris, un mail de l’association des élèves-avocats (AEA) visant notamment à éclaircir ce point :

" Sollicitée à maintes reprises par l’AEA, l’administration de l’EFB vient enfin de trancher suite à une réunion organisée le 6 novembre entre Gérard Nicolay et des représentants de l’AEA.
Suite à une consultation réalisée auprès du Cabinet Capstan et auprès d’un membre du Conseil de l’ordre, voici donc la position officielle de l’EFB :


1) Toute convention signée après le 1er novembre 2007 devra être régie par l’accord national et donc soumise aux nouvelles gratifications.

2) Toute convention ayant été signée avant l’entrée en vigueur de l’arrêté mais n’ayant pas commencée à être exécutée devra être modifiée selon les termes de l’accord national.

3) Toute convention ayant été signée avant l’entrée en vigueur de l’arrêté et étant en cours d’exécution ne pourra être modifiée au vu de l’accord national.

En gros, sont soumises à la nouvelle tarification toutes les conventions, signées avant ou après le 1er novembre, sauf celles concernant le stage en alternance.

Aujourd’hui plus de 300 conventions pour le stage de Janvier à Juin 2008 ont été signées. Tous les maîtres de stage recevront un courrier de M.Nicolay les invitant à remplir une nouvelle convention mise en conformité avec le nouvel arrêté ".

Le message de l’association précise ceci en forme de conclusion : « Même si cette réforme est globalement positive puisqu’elle assure un revenu minimum pour chaque élève avocat, il n’en reste pas moins que ceux qui désirent rejoindre une petite structure risquent de ne pas trouver de stage à ces tarifs, certains cabinets ne pouvant se le permettre. Nous vous invitons donc à contacter dès à présent votre maître de stage pour l’informer des nouveaux tarifs ».

C’est, à mon sens, tout le cœur du problème. Quelques uns de mes amis, qui n’ont pour l’heure pas encore trouvé leur stage (obligatoire) de fin de formation, me font déjà part du fait que certains cabinets de petites ou moyennes structures leur ont fait comprendre qu’ils ne les prendront pas en stage du fait de l’impossibilité qu’ils auraient à les rémunérer plus de 360 euros par mois.

D’autres m’indiquent même que des cabinets d’avocats n’hésitent pas une seule seconde à revenir sur l’accord verbal de principe qu’il avait pris de signer leurs conventions de stage en prétextant des mêmes raisons d’ordre économique.

Parce que le fait de décrocher un stage de fin de formation est une condition sine qua non pour l’obtention du CAPA et que si l’on en croit les chiffres avancés par l’association près de 800 élèves avocats n’ont pas encore signé leurs conventions de stage, gageons que cet accord n’a pas fini de faire parler de lui…